Location immobilière et option à la TVA

Quelques brèves considérations sur la question de la location immobilière et de la TVA, à l’attention de tous ceux ayant l’intention de se lancer dans ce type d’activité, souvent par le biais d’une société civile immobilière (SCI).

La législation en vigueur n’exige pas formellement mais peut inciter, dans un souci de prévoyance, à apporter un soin particulier à la forme de l’opération.

Locations concernées

Opérons tout d’abord quelques distinctions : la locations de locaux d’habitations n’est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ni de plein droit, ni sur option. La location en meublé et les prestations à caractère plus ou moins hôtelier mériteraient des développements propres compte tenu de leurs spécificités, mais ce n’est guère l’endroit.

On peut évoquer brièvement les locations de locaux équipés, qui sont soumises de plein droit à la TVA en application de l’article . Cette situation se révèle souvent peu problématique. D’une part, elle est rare : une société civile immobilière se trouvant dans cette situation est en effet soumise également de plein droit à l’impôt sur les sociétés et, en cas d’exploitation industrielle, les locaux concernés seront évalués selon la méthode comptable (en matière de taxe foncière comme de cotisation foncière des entreprises), ce qui peut entraîner un surcoût important. D’autre part, cette situation ne nécessite pas d’option. On ne peut cependant que conseiller aux bailleurs de porter une attention particulière à leur formulaire de création d’entreprise, afin que l’activité de location équipée y soit mentionnée, sans confusion possible avec la location de locaux nus, plus complexe, comme nous allons le voir ci-après.

Nous intéressent donc ici les locations de locaux professionnels nus, soumises à la TVA sur option. Cette option est ouverte à tous, y compris les collectivités locales ou les associations sans but lucratif, à condition bien entendu de louer des locaux professionnels.

Le point de vue du bailleur

Le cas d’option le plus classique peut se décrire comme suit : le bailleur loue à un assujetti à la TVA, éventuellement une entreprise liée, qui peut donc déduire la TVA sur les loyers. Les investissements du bailleur sont importants : la déduction de la TVA sur les travaux contribue donc à financer le projet. Les cas sont cependant nombreux et les bailleurs pas forcément insensibles aux effets de mode. En d’autres termes, l’intérêt de ces options ne saute pas toujours aux yeux.

Dans les cas les plus simples, le bailleur, déjà assujetti, possède son immeuble depuis un certain temps et décide le louer. Ces cas ne sont pas les plus fréquents : investissements limités, donc TVA à déduire limitée et peu d’intérêt à opter. Parmi les cas plus marginaux, la location à un non-assujetti : dans ce cas, le bail doit mentionner la TVA dans les formes requises.

Le plus souvent, l’immeuble n’existe pas encore. Dans le cas d’une SCI, la société est créée d’abord, puis le terrain est acquis, les travaux débutés. Le bail n’est signé qu’à l’achèvement des locaux.

Du point de vue du bailleur de bonne foi, la situation est à la limite de l’évidence : il soumettra les loyers à la TVA, donc déduit dans un premier temps la TVA sur les travaux.

Le point de vue de l’agent

C’est là que les choses se corsent. L’évidence est rarement la chose du monde la mieux partagée. Essayons de nous placer quelque temps dans la situation de l’agent des finances publiques chargé de traiter une demande de remboursement de crédit de TVA quelques mois après la création de la SCI (ou autre structure) mentionnée plus haut.

De quoi dépend le droit du bailleur à obtenir le remboursement de la TVA ? De son droit à déduire la TVA.

De quoi dépend son droit à déduire la TVA ? De sa qualité d’assujetti ou pas à la TVA, selon le BOFIP.

De quoi dépend sa qualité d’assujetti à la TVA ? Depuis la suppression dans la plupart des cas de la taxation des livraisons à soi-même d’immeubles, il s’agit de se référer à la jurisprudence européenne (pour les plus férus, chercher l’arrêt Rompelman et suivants). Le critère discriminant, selon les juges européens, est l’intention d’effectuer des opérations imposables, sans que soit niée à l’administration la possibilité de s’assurer que l’intention soit confirmée par des éléments objectifs.

Attachons-nous en premier lieu aux éléments objectifs. Le plus souvent, le premier remboursement concerne la TVA sur l’achat du terrain. Autrement dit : les éléments objectifs, c’est en général pour la théorie. Une fois l’immeuble terminé, et que l’on pourrait s’assurer des éléments objectifs en question, les demandes de remboursement ont toutes été traitées. Il en reste cependant toujours quelques-uns présents au départ : le bail ou la promesse éventuelle, les premières factures, les premières déclarations. Il est toutefois rare, mais pas à exclure, que de tels documents puissent être en contradiction avec une location soumise à TVA.

Que reste-t-il donc ? Le document central : l’option à la TVA.

Pour le bailleur, évident. Mais cela tient à peu de choses pour l’agent des finances publiques au fond. Opter pour la TVA et faire finalement autre chose des locaux concernés, sans rembourser la TVA déduite initialement ? Rien de plus facile. À charge donc pour l’administration de surveiller les futurs loyers et destination des locaux, et quelle charge ! Mais je m’écarte du propos initial.

La forme de l’option

Le BOFIP est particulièrement explicite : en cas d’option par anticipation, c’est-à-dire lorsque les locaux n’existent pas encore, cette option doit obligatoirement désigner les locaux visés explicitement. Cela vous semble peut-être évident. Disons pudiquement, pour le côté agent, et sans manquer au devoir de réserve, que les options ne sont pas systématiquement faites en bonne et due forme.

S’agissant d’un document central, l’administration peut certes se montrer souple sur la forme de cette option, mais rien ne l’y oblige. D’autre part, en cas de contradictions ou de manques dans les « éléments objectifs » mentionnés plus haut, à quoi conclure, sans option valide, si ce n’est à l’absence d’intention de réaliser des opérations imposables ?

Pour prendre toutes assurances nécessaires donc, deux possibilités, en commençant par la meilleure.

Dès la création, adresser à son service des impôts des entreprises une lettre d’option mentionnant l’article 260 du CGI, l’immeuble concerné, correctement et précisément identifié, et dûment signée par le gérant en recommandé avec accusé de réception.

La seconde, plus économique : mentionner l’option en portant le même texte sur le formulaire de création d’entreprise. Noter cependant que l’option doit normalement être signée. Si la création d’entreprise est télédéclarée, s’assurer de la validité de la signature électronique.

Futurs constructeurs et bailleurs à la TVA, ne laissez rien au hasard.

Robin Plancque

Le cumul d’emploi en tant qu’agent public, acte I

Historique

Avant 2007, la réglementation, malgré quelques difficultés d’interprétation à la marge, était relativement claire : interdiction pour tous les fonctionnaires (sauf les enseignants) de toute activité rémunérée, quelques exceptions, dont la création d’œuvres de l’esprit.

En 2007, Jacques Chirac est au pouvoir, Dominique de Villepin premier ministre, l’UMP majoritaire au Parlement. L’idée est d’autoriser le cumul d’emplois aux fonctionnaires, entre autres plus ou moins pour compenser l’absence de revalorisation salariale. Le décret d’application de la loi est signé le 2 mai 2007, jour de l’élection présidentielle qui porte Nicolas Sarkozy au pouvoir. Les choses se compliquent quelque peu : l’idée était alors d’étendre peu à peu les situations de cumul. Conséquence : en 2011, nouveau décret qui modifie, et étend (légèrement) le champ d’application du cumul. Entre-temps, une circulaire est venu préciser préciser les conditions du cumul d’activités : la circulaire n° 2157 du 11 mars 2008.

En 2016, le pouvoir politique a changé : François Hollande est président, Manuel Valls premier ministre. Comme souvent, la législation change : le 20 avril 2016, loi, puis le 27 janvier 2017, décret d’application. Pour l’instant, le nouveau pouvoir politique semble s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur.

Pourquoi la situation est-elle un peu complexe ?

C’est assez simple : comme dans d’autres domaines, l’administration ne parvient pas, tout du moins à ce jour, à suivre l’évolution de la législation. De 2007 à 2017, soit en dix ans, j’ai compté quatre législations différentes, et encore, en négligeant les périodes pendant lesquelles les lois existaient sans décret d’application ou sans circulaire. De plus, l’administration établit également sa doctrine en fonction des décisions judiciaires en la matière. Or, un contentieux entre l’administration et un de ces agents, lorsque tous les recours sont exercés, dure souvent une vingtaine d’années jusqu’à une décision du Conseil d’état : l’administration ne dispose donc que de peu de recul, ne serait-ce que sur la réglementation de 2007. Alors, 2017…

Quoi qu’il en soit, nous nous retrouvons avec une situation profondément singulière : la circulaire de 2008 n’a pas été abrogée et reste la seule en la matière. Cependant, la loi a changé. Nous nous retrouvons donc schématiquement à interpréter une loi Hollande avec une circulaire Sarkozy.

Enfin, bien entendu, lorsque la législation est complexe, la question de sa portée pratique se pose.

Le grand principe

C’est l’interdiction du cumul d’emploi : un agent public doit consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées dans le cadre de son emploi public. La loi de 2016 semblait vouloir y revenir. Mais ce serait trop simple : la législation foisonne en effet et comporte de nombreuses exceptions : en fin de compte, il est bien difficile de savoir si le champ d’application a été restreint ou étendu, sans même parler des considérations pratiques, auxquelles nous reviendrons.

La gestion de son patrimoine privé

Cela peut paraître simple dans un premier temps : un fonctionnaire a le droit de gérer son patrimoine privé. Ce n’est pas parce que vous êtes fonctionnaire que vous ne pouvez pas placer votre argent. Vous pouvez aussi louer un appartement que vous possédez, ou acquérir des actions ou des parts sociales dans une entreprise.

Mais cela se complique rapidement. La réglementation interdit en effet à tout fonctionnaire exerçant à temps complet et à temps plein toute activité qui entraîne : immatriculation au registre de commerce, immatriculation au répertoire des métiers, immatriculation au régime social des indépendants. Louer un ou plusieurs logements en meublé (voire une salle de réception) peut par exemple entraîner une immatriculation au régime social des indépendants (à ce jour, au-dessus de 23 000 euros de recettes) ou, selon le cas, au registre de commerce. Réaliser des opérations de bourse peut également, selon les cas, certes exceptionnels, avoir les mêmes conséquences.

Supposons que vous possédiez de vieux livres et que vous souhaitiez les numériser afin de les publier en ligne, moyennant finances : en principe, vous devez vous immatriculer au régime social des indépendants, donc c’est interdit.

Les agents à temps incomplet

Il ne s’agit pas des agents à temps partiel, qui sont embauchés sur un emploi à temps plein mais demandent à exercer à temps partiel, mais des agents embauchés à temps incomplet, c’est-à-dire sur un emploi à 70 % par exemple. La distinction est subtile mais importante.

Un agent à temps incomplet à 70 % ou moins peut cumuler sur simple déclaration.

Un agent qui travaille à temps partiel à 70 % ne peut pas, sauf exceptions, cumuler. Il faudra cependant consacrer un paragraphe complet à la situation des agents à temps partiel, sur laquelle les juristes pourront faire la preuve de leur sagacité.

Le bénévolat

La circulaire du 11 mars 2008 vient préciser cette notion et lui donne une définition très large : le bénévolat, y compris pour des entreprises commerciales, relève de la vie privée de l’agent, donc cumul autorisé.

Limites : pas d’organes de direction, pas de participation aux litiges contre l’administration, pas d’intérêt avec des entreprises avec lesquelles l’agent est en relation.

La numérisation de vieux livres mentionnée plus haut est donc autorisée à titre gratuit. Ce blog, bénévole, sous réserve de sa conformité aux autres obligations des agents publics, est autorisé.

C’est suffisant pour aujourd’hui, la suite suivra dès que possible.

Robin Plancque